Comment devient-on pédophile ?
On ne sait pas pourquoi un individu devient pédophile. Les théories à ce sujet sont toutes plus ou moins spéculatives. Mais il y a des pistes récurrentes. On a ainsi pu constater que nombre d’agresseurs (en proportion non négligeable : de 20 à 30 % selon les études) ont été eux-mêmes agressés dans leur enfance. C’est un élément à prendre en compte, mais il n’est ni nécessaire ni suffisant. Ce qui se passe à l’adolescence me paraît plus déterminant. La plupart des agresseurs semblent avoir eu une puberté marquée par l’inhibition et la frustration. Quelque chose a compliqué le passage vers une sexualité adulte, si bien que certains d’entre eux sont restés sur un érotisme prépubère.
En gros, ils continuent de jouer au docteur. Enfin, les pédophiles ont souvent une personnalité dysharmonique, caractérisée par l’instabilité et l’impulsivité. Lorsque ces trois éléments sont réunis (l’agression subie, l’adolescence difficile, la personnalité problématique), le cocktail peut être détonant.
Comment travaillez-vous avec les pédophiles ?
Depuis que notre consultation a été médiatisée, vers 1995, nous recevons des hommes qui viennent de leur plein gré. Ils ont découvert en eux un attrait pour les enfants et ils sont assez responsables pour demander de l’aide afin d’éviter le passage à l’acte. Pour nous, c’est extrêmement intéressant parce que leur cas nous aide à comprendre ce qui manque à ceux qui passent à l’acte. Un pédophile dangereux, ce n’est pas seulement un sujet dont la sexualité est orientée vers les enfants, c’est surtout un individu qui s’autorise à agresser quelqu’un dont il voit bien qu’il n’est pas d’accord.
Le travail thérapeutique doit donc porter sur ces deux aspects. D’une part, on aide le sujet à mieux identifier ses fantasmes. Il y a des pédophiles qui se définissent comme tels, d’autres qui ne savent pas mettre de mots sur ce qu’ils sont. On l’aide aussi à former un jugement sur sa fantasmatique, à comprendre l’origine de son attirance pour les enfants (a-t-il peur d’avoir un partenaire adulte ? d’assumer une homosexualité ?).
D’autre part, au moyen de jeux de rôles ou de témoignages vidéo de victimes, on travaille la relation à l’autre : il s’agit d’apprendre à ne plus fonctionner sous emprise, à accepter que la réponse à sa demande dépende d’autrui, à y voir plus clair dans les désirs que l’on attribue à autrui. La plupart des agresseurs sexuels ont tendance à se faire une fausse idée de ce qui se passe dans la tête de leur proie. Certains s’imaginent que l’enfant est très excité à l’idée de découvrir la sexualité adulte. D’autres se fichent éperdument de ce qu’il peut ressentir. Il faut donc les aider à être plus lucides sur les répercussions de leurs actes.
Souvent, le travail thérapeutique se fait d’abord en groupe. La plupart des pédophiles sont en effet trop centrés sur eux-mêmes pour profiter d’une thérapie individuelle où ils ne feraient que s’appesantir sur leur nombril. En groupe, ils sont obligés de laisser la parole aux autres. Ils profitent des réflexions de ceux qui ont plus de sens critique et de maturité qu’eux. C’est une émulation.
Ne devrait-on pas les soigner plutôt que les incarcérer ?
Les peines encourues par les pédophiles varient de dix-huit mois à cinq ans en correctionnelle (pour les attouchements sans pénétration) et de dix à vingt ans aux assises (pour les viols sur mineurs). Le soin prévu par le jugement ne démarre qu’après la libération, soit plusieurs années après les faits, non par manque de moyens. C’est un choix éthique du législateur qui considère que la privation de liberté est déjà porteuse d’effets.
L’expérience prouve que, pour de nombreux pédophiles, le seul fait d’avoir été puni par la société, d’avoir rencontré l’opprobre et la honte, suffit à empêcher la récidive. Il ne faut pas imaginer les pédophiles comme des malades qui ne pourraient pas s’en sortir sans thérapie. Ce sont surtout des hommes qui s’autorisent le passage à l’acte. Même s’ils ont une personnalité immature et égocentrée, ils sont capables de réfléchir à leur acte et d’en tirer des leçons.
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